Article publié sur le site www.lesechos.fr le 23 avril 2015 : lien
Depuis janvier dernier, le zloty a connu une constante appréciation. Les entreprises implantées ou sous-traitantes en Pologne sont-elles en danger ?
Bien que peu souvent évoqué, le marché des changes entre les monnaies européenne et polonaise concerne chaque jour plus de 50 % des échanges sur le zloty et représente plus d’un milliard d’euros. Il se révèle un sujet d’étude d’autant plus intéressant que la Pologne a résisté à la crise de 2008 en partie grâce à sa monnaie, et que les excellentes prévisions économiques pour l’année 2015 semblent confirmer son poids croissant au sein de l’Union européenne.
Depuis janvier, le zloty a connu une constante appréciation. Son taux de change avec l’euro a atteint des niveaux jamais égalés depuis 2011. Après être intervenue en mars dernier, la Banque Centrale Polonaise a annoncé qu’une opération sur le taux de change en avril ne serait pas nécessaire, car l’économie polonaise n’est pas en péril à ce stade et qu’il s’agit d’un effet naturel du système de changes flottants.
Les rachats d’actifs opérés par la BCE ainsi que la confiance des investisseurs dans l’économie polonaise résultant de ses excellentes prévisions annuelles, semblent être les causes principales de l’appréciation du zloty. Ainsi, la tendance à la baisse de la paire euro-zloty devrait-elle se poursuivre dans les prochains mois.
Certains de nos clients implantés ou sous-traitants en Pologne s’en inquiètent et sollicitent nos conseils. Notre expérience de terrain nous a permis de constater que jusqu’à 3,8 zlotys pour 1 euro, les entreprises polonaises restent compétitives.
Passé ce seuil, la diminution du volume des exportations polonaises, engendrée par la perte de compétitivité-prix, ne serait plus compensée par l’augmentation des tarifs. L’effet serait d’autant plus dommageable que la Pologne fonde en partie sa croissance économique sur celle de ses exportations – depuis son entrée dans l’UE, les exportations ont augmenté de plus de 150 % – et que son premier partenaire commercial est l’UE.
À cela s’ajoute l’élasticité-prix des produits que les entreprises polonaises exportent issus de l’industrie manufacturière, équipements de transport, machines, produits métallurgiques, équipements électroménagers et de télécommunications, produits optiques et informatiques, produits sylvicoles, emballages et de l’industrie agroalimentaire.
Par ailleurs, il y a fort à parier que les importations polonaises augmenteraient du fait de la perte de compétitivité des produits domestiques. Bien que moins coûteuse, l’augmentation des importations conduirait à détériorer la balance commerciale du pays actuellement excédentaire. Un tel cas de figure nuirait aux entreprises sous-traitant une partie de leur activité en Pologne ; toutefois, les produits français gagneraient en compétitivité.
La baisse de la paire euro-zloty conduirait également à une diminution du volume des investissements étrangers en raison de l’augmentation des coûts d’activité. Par ailleurs, le stock de réserves de devises étrangères, que la Pologne a accumulé au prix d’un certain effort a atteint en janvier dernier le montant record de plus de 90 milliards d’euros, verrait sa valeur diminuer du fait de l’appréciation du zloty.
Plus difficiles à appréhender, les contraintes géopolitiques régionales qui pèsent en outre sur le marché des changes entre l’euro et le zloty. Des incidents répétés entre la Russie et l’Ukraine à l’approche de l’hiver. Il est plus facile pour la Russie de faire pression à cette époque de l’année du fait de la dépendance de l’Ukraine au gaz russe qui pourrait causer le rapatriement des capitaux étrangers et faire chuter la valeur de la monnaie polonaise.
La perspective d’un tel scénario semble toutefois se heurter au sérieux et à la solidité des fondements économiques de la Pologne. En effet, le pays prévoit une croissance de 3,4 % pour l’année 2015 après avoir enregistré une croissance similaire en 2014, présente une dette publique d’environ 50 % et dispose d’un marché intérieur de plus de 38 millions de consommateurs.
La prolongation des Zones Économiques Spéciales jusqu’en 2026 ainsi que les subventions européennes à hauteur de 80,5 milliards d’ici 2020 sont autant de nouvelles encourageantes. La Pologne reste donc aujourd’hui une terre d’opportunités sans égal en Europe Centrale et Orientale pour les entrepreneurs français.
Aussi, le gouvernement et les acteurs économiques polonais ne laisseront pas leur monnaie s’apprécier au-delà du seuil critique des 3,8 zlotys pour 1 euro. Les leviers économiques et géostratégiques de la Pologne, tels que l’importance de ses réserves de devises étrangères ou son rôle de pivot ouest-est, lui permettront de préserver le climat favorable des affaires et la rentabilité des investissements étrangers.
Dépendants de ses partenaires européens au premier chef les Allemands, les Français, les Britanniques, les Tchèques, les Néerlandais et les Italiens, les Polonais ont pleinement conscience de la nécessité de préserver l’attractivité de leur pays.