Article publié sur le site www.lesechos.fr le 21 mai 2015 : lien
Contre toute attente, le candidat conservateur A. Duda est arrivé en tête du premier tour des élections présidentielles en Pologne, devant le Président sortant B. Komorowski. Quelles seraient les conséquences de l’accession à la présidence de l’un ou de l’autre pour l’économie polonaise ?
Le dimanche 10 mai 2015, les Polonais sont allés voter pour le premier tour des élections présidentielles. Le second tour se tiendra le 24 mai et opposera le Président sortant B. Komorowski, soutenu par la Plateforme civique (PO) de D. Tusk, et A. Duda, candidat du Parti de la Loi et de la Justice (PIS) des frères Kaczynski. Si B. Komorowski était donné largement gagnant dans les sondages.
Il n’est arrivé qu’en deuxième position derrière l’outsider du PIS. Juriste de formation de 20 ans son cadet. Le second tour est donc loin d’être joué, et sera conditionné par les reports de voix du troisième candidat en tête, l’ex-rockeur anti-système P. Kukiz.
Issus de familles politiques différentes, libérales et laïques, sous un vernis religieux, pour B. Komorowski, conservatrice et catholique siégeant auprès des tories britanniques au Parlement européen pour A. Duda, les candidats ont-ils des programmes économiques réellement différents ? Quelles seraient les conséquences de l’accession à la présidence de l’un ou de l’autre pour l’économie polonaise ?
1) Des candidats aux programmes économiques similaires visant une fonction aux prérogatives limitées
Les programmes économiques des deux candidats présentent de nombreux points communs. Tous deux en faveur de l’économie de marché, les candidats prônent le soutien à l’industrie et aux entreprises, la modernisation des infrastructures, la promotion de l’emploi et l’assainissement des comptes publics. La campagne d’A. Duda a toutefois comporté un volet social important.
À l’heure où plus aucun parti de gauche ne fait plus de 3 % en Pologne, A. Duda est en faveur de l’abaissement de l’âge de départ à la retraite, de la progressivité de l’impôt, la sécurité sociale gratuite pour les bas salaires et souhaite que les secteurs clefs demeurent dans les mains de l’État.
Le débat public a préféré les thèmes sociaux, sociétaux, de sécurité et de défense aux questions économiques. Le régime politique du pays étant parlementaire, les pouvoirs du Président sont limités, bien qu’élu au suffrage universel direct. Le Président a la haute main politique étrangère et la défense : il ratifie les traités internationaux et nomme les représentants de l’État à l’étranger.
Chef des Armées, il nomme le commandant des Armées uniquement en temps de guerre. S’il n’a pas les moyens de traiter de politique économique, son action peut avoir des répercussions sur l’économie du pays, notamment dans un contexte de tensions géopolitiques aux portes orientales de l’Europe concernant la Pologne au premier plan.
2) Le volet russe susceptible de marquer l’économie polonaise
Si les deux candidats soutiennent tous deux le gouvernement de Kiev et les partisans d’une Ukraine tournée vers l’Europe et condamnent l’action séparatiste pro-russes ainsi que la politique impérialiste de V. Poutine, le PIS se montre plus combatif encore à l’égard de la Russie, la considérant comme l’ennemi suprême, à la fois historique, géopolitique et religieux.
Aussi, une escalade en Ukraine l’hiver prochain est-elle envisageable ? Au moment où les besoins en gaz russe se font sentir si A. Duda est élu Président. Au vu de l’atlantisme très marqué du PIS ainsi que de son euroscepticisme plus ou moins voilé, un rapprochement voire un alignement avec le successeur de B. Obama est tout aussi envisageable.
Une telle recrudescence des tensions vis-à-vis de la Russie pourrait paradoxalement bénéficier à l’économie polonaise. Le fléchissement de l’appréciation du zloty ainsi engendrée redonnerait du souffle au marché de la sous-traitance plus compétitif et au marché du travail.
D’aucuns affirment par ailleurs que la Pologne n’a pas intérêt à provoquer son voisin russe, car son commerce extérieur en dépend. Il est vrai que la Russie est le 6e client de la Pologne (4,3 % en 2014) et son 3e fournisseur (10,5 % en 2014). Approvisionnant la Pologne en hydrocarbures, elle couvre 60 % de ses besoins en gaz et 95 % en pétrole.
La Russie peut toutefois difficilement jouer la carte énergétique. Si elle coupe le gaz et le pétrole à la Pologne, elle le coupe également au reste de l’Europe, notamment à l’Allemagne, car le gazoduc Jamal par lequel transitent les exportations russes traverse la Pologne. Par ailleurs, le commerce d’hydrocarbures entre la Pologne et la Russie est régi par des accords de long terme en place depuis longtemps déjà. Revenir dessus conduirait à une confrontation bien trop directe pour la paix chaude dans laquelle vivent les deux pays actuellement.
Si l’élection du prochain président polonais a peu de chance de chambarder l’économie polonaise, la question russe pourrait s’inviter à nouveau dans les affaires économiques du pays.