Post published on the website www.la-croix.com on the 15th of November 2016 : link
Des élections présidentielles se déroulaient dimanche 13 novembre en Bulgarie, remportées par Roumen Radev, ouvertement russophile.
Avant ce mois de novembre, l’année 2017 présageait d’être relativement prometteuse pour le maitre du Kremlin désormais elle s’annonce triomphale. Dimanche 13 novembre, Roumen Radev a été élu président de la République de Bulgarie. Fait exceptionnel un ancien officier du pacte de Varsovie se retrouve à la tête d’une armée de l’OTAN et d’un pays membre de l’UE. En moins de 10 jours c’est donc deux nouveaux présidents « pro-russes » : MM. Trump et Radev qui ont été élus. Ces élections ouvrent un boulevard à Vladimir Poutine et annonce une année d’abdication pour l’UE.
Qui est Roumen Radev ?
Surnommer le « général rouge » par ses adversaires, Roumen Radev a débuté sa carrière en tant que pilote de l’armée de l’air deux ans avant la chute du mur et malgré ce titre n’a jamais été encarté au parti communiste. Certes il est soutenu par ce dernier qui a changé de nom en 1990 en parti socialiste et a abandonné le marxisme-léninisme.
Roumen Radev est un novice en politique, jusqu’il y a peu il était connu uniquement pour avoir présenté sa démission, de chef d’état-major de l’armée de l’air, en protestation contre la faiblesse des moyens octroyés aux forces aériennes. Son élection a quelques similitudes avec celle de Donald Trump.
La confiance perdue
Roumen Radev a axé sa campagne sur les migrants, notamment en déclarant qu’il ne voulait pas que son pays devienne le ghetto européen des migrants, la dénonciation de la corruption du parti au pouvoir et prôné un rapprochement avec la Russie et notamment la fin des sanctions. Le nouveau président bulgare a aussi bénéficié du peu de charisme de sa rivale (donnée vainqueur par les sondages), candidate du parti au pouvoir : libéral-conservateur, pro-europén et atlantiste.
Déjouant une nouvelle fois les pronostics, comme pour les élections polonaises, américaines, et le Brexit ce sont les laissés-pour-compte de la mondialisation qui ont fait l’élection. La Bulgarie a beaucoup souffert de la crise de 2009 qui eut notamment pour conséquence de faire tomber la 4e banque privée nationale. Aujourd’hui la croissance est assez forte (3 %), mais une partie de la population s’en considère exclue et a perdu toute confiance dans ses élites. Dans un pays où la scène politique est engluée dans des scandales de corruption, un ancien militaire peut paraître comme un repère.
Radev et Poutine
Il est intéressant de noter qu’il existe certaines similitudes entre son parcours et celui M. Poutine : outre le fait qu’ils étaient tous deux officiers sous le pacte de Varsovie, Il arrive au pouvoir alors qu’il est peu connu et n’a jamais réellement été membre d’un parti, il essaye de rassembler des nostalgiques du communisme, les retraités, l’armée mais aussi l’Église orthodoxe en déclarant qu’il était prêt à introduire à l’école des cours de religion.
Des similitudes
Il faut également rappeler que la Bulgarie est l’un des rares pays de l’Est à avoir une bonne image de la Russie. Ces deux nations ont une proximité culturelle certaine, partageant l’alphabet cyrillique, le culte orthodoxe et des épisodes importants de leur histoire, notamment l’indépendance de la Bulgarie acquise grâce à la Russie qui a libéré le pays de la domination turco-ottomane. Sous l’ère communiste, la Bulgarie a même entamé une procédure pour devenir la 16e République soviétique.
Aujourd’hui la Bulgarie est très dépendante énergétiquement de ses importations russes (50 % du charbon, 84 % du gaz naturel et 95 % du pétrole brut). Il est vrai que le président bulgare quand il n’est pas le chef de la majorité parlementaire (il y a de fortes chances que des élections anticipées aient lieu) et en dehors de circonstances exceptionnelles (une nouvelle crise avec la Turquie ouvrant ses frontières n’est pas à exclure), n’a pas de grands pouvoirs. Mais l’élection de Roumen Radev qui a déclaré qui militerait au sein de l’UE pour la levée des sanctions contre la Russie est un nouvel atout pour Vladimir Poutine, certes de moindre importance que Donald Trump.
Vers une levée des sanctions
L’élection bulgare devrait affaiblir au sein de l’UE la ligne « dure » qui avait pris des sanctions contre le pouvoir russe suite à l’annexion de la Crimée. Jusqu’à présent seule la Hongrie avait une voix dissonante. Or la fin de ces sanctions est un objectif primordial pour Vladimir Poutine. Il doit réussir à les lever afin de pouvoir redresser son économie et apparaitre comme un leader mondial de premier plan pour les élections présidentielles russes de 2018.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump devrait l’y aider. Ce dernier a déclaré vouloir moins s’investir dans l’Otan, ne pas être pas prêt à en protéger les petits pays, comme l’Estonie, contre la Russie et laissé entendre qu’il transigera sur la Crimée. Comptant de fortes minorités russophones, les États baltes craignent une reproduction de la situation vécue en 2014, par la Crimée, aussi il est probable qu’ils votent la levée des sanctions.
Poutine se renforce au détriment de l’Europe
Depuis la fin de l’URSS jamais la Russie n’aura été aussi forte et l’Union européenne si apathique. En 2017 M. Poutine sera en capacité de bénéficier de l’affaiblissement de l’UE, qui après le Brexit, devra également souffrir d’un déficit de leadership dû aux élections nationales en France et en Allemagne. Avec l’abandon probable des forces kurdo-arabes par Washington, une fois réduit Daech, il est fort à parier qu’il réussira à instaurer une certaine paix en Syrie, à la manière de celle qui règne en Tchétchénie. Désormais Vladimir Poutine a toutes les cartes en main pour réussir ce triplé dont nous faisions mention dans une précédente tribune : régler la crise en Ukraine, en Syrie et lever les sanctions économiques contre la Russie. Nous pensions à l’époque que le président russe pourrait être obligé de mener des actions de déstabilisation des pays baltes pour arriver à ses fins, mais ce n’est désormais plus utile. Avec ces deux nouveaux alliés Moscou a tellement modifié l’équilibre des forces en sa faveur qu’il est même très probable que Vladimir Poutine décroche ce triplé sans le moindre effort. Hélas ce nouvel équilibre devrait se faire quasiment exclusivement au détriment de l’UE.
Patrick Edery – PDG de Partenaire Europe